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Causeur - Bruno Maillé

Le Retour du général, par Bruno Maillé
Causeur, 8 mars 2010

Un matin de 2010, au sortir de rêves agités, Gregor Samsa se réveilla métamorphosé en général de Gaulle.

Les écrans de télévision se brouillent, l’indicatif de Radio Londres retentit et de Gaulle, âgé de cent vingt ans, apparaît en noir et blanc. Son nouvel Appel, qui débouchera sur une seconde Révolution française, est comique et burlesque à bien des égards. Pourtant, il nous touche aussi au plus intime. Il nomme avec vérité notre douleur réelle, l’extrême angoisse du temps présent. Et il parle à notre liberté et à notre espérance. “La résignation de ceux-là mêmes qui auraient dû combattre pour la grandeur française m’a conduit à sortir une nouvelle fois de ma retraite. […] L’espérance doit-elle disparaître ?” Péguy parlait de “la petite fille Espérance”. Duteurtre invente quant à lui le vieillard Espérance, venu une nouvelle fois nous relever.

De Gaulle souhaite que l’Histoire et la liberté humaine sortent de leur longue torpeur, comme il en donne lui-même l’exemple en dépit de son grand âge. Les deux premiers événements historiques qu’il appelle de ses vœux sont la sortie de la France de l’Union européenne et la renaissance de l’œuf mayonnaise authentique, condamné à mort par d’obscures directives européennes.

Son appel s’adresse à la France, à tous les Français, afin qu’ils désertent enfin l’enfer de la séparation. “J’appelle les hommes et les femmes, les chrétiens et les musulmans, les juifs et les athées, les ouvriers et les paysans, les employés et les chômeurs.[…] J’appelle les homosexuels et les transsexuels, les motards et les cyclistes, les fumeurs et les non-fumeurs, les rockers et les teufers, les sportifs et les handicapés, à tous se rassembler pour reconstruire notre pays.” Mais son appel interpelle aussi tous les peuples européens, “l’Europe réelle”, “une Europe des nations, fières de leurs spécificités”, qu’il invite à suivre l’exemple de la France et à briser eux aussi le joug de la tyrannie bureaucratico-démocrate et de son infinie tristesse.

Dans les semaines qui suivent, le gouvernement lance la traque à une nouvelle “menace terroriste”. Mais, une fois encore, il constate que l’anti-terrorisme est rigoureusement impuissant face aux hommes libres, à la force que leurs paroles et leurs actes exercent irrésistiblement sur l’âme humaine. L’exaltation, en banlieue comme ailleurs, se répand comme une traînée de poudre.

L’idée du Retour du Général est aussi simple qu’excellente. En outre, Benoît Duteurtre la traite remarquablement. Il décrit l’invraisemblable avec un réalisme imperturbable et un délicieux humour. Son roman est composé avec art par l’alternance de cette chronique néo-gaullienne avec d’autres chapitres qui constituent de petites nouvelles autonomes dont il est le personnage central et qui rentrent en écho thématique avec le récit principal. Il s’agit de son roman le plus fantaisiste et personnel, le plus profond et le plus drôle. Duteurtre, en somme, y est à la fois spirituel et spirituel.

Sa voix, comme celle de de Gaulle, y monte des profondeurs de l’enfance. Non de l’enfance kitschifiée, mais de l’enfance réelle. C’est la raison pour laquelle elle parle à ce qui, en nous, se lève et commence. Et qui est tout aussi réel que notre désolation.

Date de création : 07/10/2013 @ 16:14
Catégorie : - Le Retour du général
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